le 26/08/2020 par Coalition eau

Crise sanitaire de la Covid-19|Recommandations des ONG du secteur eau et assainissement

La pandémie mondiale de coronavirus a mis en évidence l’importance vitale de l’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène. Se laver les mains avec de l’eau et du savon sauve des vies. Il s’agit d’une règle d’hygiène de base, efficace et peu couteuse.

Pourtant, 10 ans après la reconnaissance du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement par les Nations Unies, des milliards de personnes n’ont pas accès à ces services essentiels, les exposant à la pandémie du coronavirus, mais également à de nombreuses autres maladies évitables comme la diarrhée, le choléra, la rougeole, la pneumonie ou encore l’hépatite A.

LES ENJEUX EAH DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE DU CORONAVIRUS

L’absence d’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène, facteurs d’aggravation de la crise

Le contact avec les mains étant l’un des principaux facteurs de transmission du Coronavirus, l’absence d’un accès adéquat aux services d’eau potable et d’assainissement contribue à aggraver la crise.

Une grande partie de la population mondiale est concernée : 2,2 milliards de personnes dans le monde, soit 1 personne sur 3, sont encore sans accès à des services d’alimentation domestique en eau potable gérés en toute sécurité ; et 4,2 milliards de personnes, soit 1 personne sur 2, ne disposent pas de services d’assainissement gérés en toute sécurité (Rapport 2019 du JMP, OMS/UNICEF).

En France métropolitaine, 1,4 million de personnes ne bénéficient toujours pas d’un accès à une eau saine.  Dans les territoires d’Outre-Mer, les chiffres sont encore plus alarmants : en Guyane et à Mayotte, par exemple, des milliers de personnes recueillent encore leur eau de boisson directement à partir des eaux de surface (cours d’eau, eaux stagnantes, lacs…).

La disponibilité des installations de lavage des mains dans les pays à faibles et moyens revenus est très réduite. Au niveau mondial, 40 % des ménages ne disposent toujours pas d’installations de lavage des mains à l’eau et au savon, et 19 % seulement des personnes se lavent les mains au savon après avoir déféqué. Près de la moitié des établissements de santé (43 %) ne disposent pas d’installations de base pour le lavage des mains à l’eau et au savon, et près de la moitié des écoles (47 %) dans les pays en développement n’ont pas d’installations pour le lavage des mains (Rapport 2019 JMP OMS/UNICEF, WASH in Health Care Facilities). Cela rend une bonne hygiène des mains impossible pour des millions de personnes, contribue à la propagation des infections et rend la lutte contre cette pandémie très difficile.

Des risques pour la continuité des services EAH

Des possibles ruptures dans les chaines d’approvisionnement mondiales, une main-d’œuvre réduite et exposée au virus, des problématiques de paiement des services, font peser des risques sur la continuité, la durabilité et la qualité des services de distribution d’eau et d’assainissement. Il s’agit d’une préoccupation majeure, en particulier pour les pays qui connaissent des crises ou des conflits. Cela pourrait creuser encore les faiblesses de gouvernance, des politiques et des stratégies qui pèsent déjà sur le secteur EAH dans certains pays. Des appuis techniques et financiers immédiats sont nécessaires pour garantir la continuité des services EAH pour toutes et tous et atténuer la gravité des impacts de la crise du COVID19.

Notons que les secteurs de l’eau potable, de l’assainissement et du traitement des boues ne sont pas, dans le cas du coronavirus, des facteurs de contamination (les vecteurs restant les aérosols et les points de contact). Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), aucun cas de contamination au Covid-19 n’est en lien avec l’eau potable et le virus ne résiste pas aux traitements habituellement utilisés pour la production d’eau potable[1].

Des risques exacerbés pour les plus vulnérables et les populations marginalisées

Si le lavage des mains apparait comme la meilleure mesure préventive pour éviter de contracter ou de propager des maladies et en particulier le Coronavirus, cette consigne est impossible à respecter pour les personnes les plus vulnérables, qui vivent au quotidien sans équipements d’accès à l’eau et d’hygiène,

Il s’agit des personnes vivant à la rue, dans des camps, ou des bidonvilles, se trouvant en centres de détention ou sur des zones de conflits. Sans accès à l’eau et à l’assainissement, ni aux systèmes de soins, ces personnes ne peuvent se protéger ni se soigner. La crise met en péril leur vie, tout en exacerbant les inégalités et les stigmatisations.

C’est pourquoi les réponses proposées dans la promotion de l’hygiène doivent être socialement inclusives (langue, genre, âge, lieu de vie, etc.) et éviter tout stéréotype. Ces précautions sont essentielles pour protéger ces populations vulnérables contre le COVID-19 et ne laisser personne de côté, mais aussi pour prévenir d’autres maladies infectieuses qui peuvent se propager lorsque les services d’eau, d’assainissement et d’hygiène sont limités.

Une crise sanitaire qui concerne tout le monde

Cette crise sanitaire démontre de manière criante que la santé publique est un bien commun, partagé, et que de la santé des uns dépend la santé des autres. Si une partie de la population n’a pas accès à l’eau et à l’hygiène, c’est toute la société qui est vulnérable. Les inégalités mettent en danger la santé de tous.

L’eau, l’assainissement et l’hygiène sont des éléments inséparables et à la base d’une société en bonne santé. En effet, une bonne hygiène impose des installations d’assainissement adaptées, équipées d’eau et de savon. Une eau propre est garantie seulement par un traitement des excrétas adapté afin de ne pas contaminer les sources d’approvisionnement. Bénéficier de toilettes équipées d’eau et de savon doit s’accompagner d’un lavage des mains systématique afin d’éviter toute contagion et infection ensuite.

Une menace majeure pour les Pays les Moins Avancés

À ce jour, le virus COVID-19 a surtout touché les pays à revenu élevé, qui disposent de systèmes de santé relativement solides, et qui malgré tout subissent une forte tension pour endiguer la propagation du virus. La pandémie de COVID-19 pourrait avoir des impacts encore plus dévastateurs quand elle s’étendra dans les pays dont les systèmes de santé sont plus faibles et dans lesquels le confinement est plus difficile au regard des conditions de vie et des moyens de subsistance.

Les effets sur les populations des pays à faible et moyen revenu peuvent être catastrophiques, à la fois en termes de nombre de personnes touchées mais aussi en termes d’affaiblissement des services de santé essentiels.

La solidarité internationale est l’une des clés de la réponse sanitaire à l’épidémie du Coronavirus. Seule une aide publique d’urgence, additionnelle aux budgets d’aide publique au développement, pourra permettre de soutenir ces pays, leurs systèmes de santé et l’ensemble des acteurs·rices des sociétés civiles locales et de la solidarité dans leur lutte contre les effets sanitaires et sociaux liés à l’épidémie.

RECOMMANDATIONS DES ONG POUR UNE MOBILISATION FORTE AU NIVEAU POLITIQUE

La pandémie du COVID-19 met en évidence le besoin urgent et vital de rendre effectifs les droits humains à une eau saine, un assainissement adapté et une hygiène de base. Face à l’urgence sanitaire, il est temps d’agir et de rappeler que des solutions existent à court et moyen termes :

En France :

Pour une réaction immédiate :

  1. L’Etat doit garantir l’approvisionnement en eau potable et l’assainissement dans les établissements scolaires, les centres de santé, les prisons, et les autres espaces publics ;
  2. L’Etat doit prendre des mesures urgentes pour assurer l’accès à l’eau et à l’assainissement pour tous dans les Départements et Régions d’Outre-Mer, en particulier à Mayotte, en Guadeloupe et à La Martinique ;
  3. Les pouvoirs publics, locaux et nationaux, doivent mettre à disposition du savon et/ou du gel hydro-alcoolique dans tous les lieux accueillant du public et auprès des populations précaires afin de rendre possible la généralisation du lavage des mains, geste barrière principal de la pandémie ;
  4. Les collectivités territoriales, avec l’appui du gouvernement français, doivent installer ou rouvrir des points d’eau, les plus nombreux et les plus accessibles possibles des zones d’habitation informelles et des populations démunies ;
  5. Les collectivités territoriales, avec l’appui du gouvernement français, doivent rouvrir les fontaines publiques, les bains-douches et installer des douches mobiles, avec de préférence des cabines individuelles, avec mise à disposition de savon ;
  6. Les collectivités territoriales, avec l’appui du gouvernement français, doivent proposer des tarifications adaptées afin de garantir un accès continu aux services d’eau et d’assainissement (gratuité, tarif social ou progressif, ou encore moratoire sur les factures d’eau pour les ménages vulnérables privés de revenus par la crise) ;
  7. L’Etat doit organiser l’information sur les mesures existantes de manière transparente, actualisée et accessible, y compris auprès des populations vulnérables ;

Pour une action dans la durée :

  1. L’Etat doit reconnaitre les droits humains à l’eau potable, l’hygiène et l’assainissement dans la législation interne et accélérer les efforts pour les rendre effectifs pour toute la population, en métropole et en Outre-Mer.

A l’étranger, et en particulier dans les PEDs et les zones de crise humanitaire :

Pour une réaction immédiate :

  1. Les gouvernements doivent déployer et assurer l’approvisionnement de services d’urgence d’accès à l’eau, à l’hygiène dans les zones touchées par le COVID19, en priorité : dans les établissements de santé, les écoles, les prisons, et dans les lieux publics. Il est essentiel de ne pas laisser de côté les zones d’habitats informels et les milieux ruraux isolés. Ces services doivent être fonctionnels, continus, afin de permettre aux personnels soignants d’apporter des soins de qualité, et de permettre à toute personne qui n’a pas accès à l’eau à son domicile de se protéger ;
  2. Les bailleurs et les partenaires techniques et financiers, dont la France, doivent mettre en place des mesures d’aide humanitaire d’urgence en matière d’accès à l’eau, l’assainissement et l’hygiène et garantir un financement additionnel et un appui technique rapides et flexibles aux PMA pour définir et mettre en œuvre des plans de réponse à la crise ;
  3. Les gouvernements et les bailleurs doivent appuyer les ONG dans la réponse d’urgence coordonnée, notamment en matière d’accès à l’eau, l’assainissement et l’hygiène, en particulier sur les dispositifs de lavage des mains, la distribution de kits d’hygiène et pour les campagnes de promotion de l’hygiène, via des moyens financiers accrus ainsi que par des facilités et mécanismes de soutien spécifiques aux acteurs associatifs ;
  4. Les pouvoirs publics et les opérateurs de services doivent assurer les conditions nécessaires au fonctionnement et à la continuité des services EAH existants, en organisant leurs moyens matériels et techniques. Ils doivent mettre en place des mesures équitables pour un accès continu de la population et des professionnels aux produits et services EAH (report des paiements, tarification adaptée, gratuité etc.) et interdire les coupures d’eau à ceux qui ne peuvent pas payer leurs factures ;
  5. Les pouvoirs publics et les opérateurs doivent prendre des mesures d’urgence pour rendre effectifs les droits humains des travailleurs du secteur EAH à des conditions de travail justes et favorables en garantissant le maintien des emplois, un équipement adapté avec des protections individuelles, des indemnités de maladie qui couvrent les frais essentiels ;
  6. En situation de conflit, les attaques contre les infrastructures hydrauliques doivent cesser et l’aide humanitaire doit assurer un approvisionnement continu en eau et empêcher l’effondrement des services d’eau et d’assainissement, qui jouent un rôle primordial dans la survie des populations et dans la lutte contre les épidémies quelles qu’elles soient.

Pour une action dans la durée :

  1. Les gouvernements devront accélérer les efforts dans la réalisation des droits humains à l’eau potable et à l’assainissement pour toutes et tous au domicile, et améliorer les installations d’hygiène, d’assainissement et d’accès à l’eau dans des lieux clés tels que les établissements de soins de santé, les écoles, les marchés et autres lieux publics ;
  2. Le gouvernement français doit renforcer l’Aide Publique au Développement pour le secteur eau et assainissement, en priorité à destination des PMA. Cette aide doit être débloquée prioritairement sous forme de dons et être additionnelle aux budgets déjà alloués. Outre les programmes d’accès durable aux services d’eau et d’assainissement, l’aide doit permettre des campagnes de promotion de l’hygiène à large échelle et des programmes de changement durable des comportements, essentiels pour assurer la sécurité sanitaire mondiale et prévenir de futures pandémies ;
  3. Le gouvernement français et les bailleurs doivent soutenir des projets de renforcement des systèmes de santé, avec une priorité sur l’accès à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène, ainsi que le développement de plan de prévention des risques.

[1] https://www.cieau.com/covid-19-leau-votre-meilleure-alliee/

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