La réduction du financement de l’USAID ne constitue pas un incident isolé – elle a marque une étape dans le bouleversement plus général de l’actuel système mondial de réponse humanitaire. D’autres bailleurs importants, dont le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la France et l’Allemagne, ont également procédé à des réductions significatives de leurs budgets humanitaires, ce qui a entraîné la suspension ou la fermeture de programmes humanitaires essentiels, notamment de services de protection vitaux, augmentant ainsi la vulnérabilité des populations affectées par les crises dans le monde.

Plus qu’une simple crise de financement, il s’agit d’un point de bascule. L’architecture du système humanitaire, la légitimité de ses acteurs et même son narratif fondamental sont remis en question. Il est nécessaire de réaffirmer nos valeurs communes – des valeurs ancrées dans l’humanité, la dignité, la solidarité et la conviction que les communautés doivent être au centre de l’action humanitaire. La diplomatie civique, telle qu’elle est menée par les OSC du monde entier, est un levier essentiel pour instaurer la confiance, élaborer des politiques inclusives et favoriser la paix. En tant que plateformes et réseaux, nous sommes des acteurs stratégiques capables de favoriser la résilience à long terme et les solutions collectives dans un monde interconnecté et confronté à des crises croissantes.

Nous sommes à un moment unique pour transformer le modèle humanitaire – non seulement en se basant sur ce qui existe, mais aussi en créant un espace pour de nouvelles façons de travailler. Il s’agit notamment de :

• Travailler avec les communautés, selon leurs besoins, dans le cadre d’une approche de réponse dirigée par et pour elles.
• Permettre véritablement une action locale en augmentant le financement direct, flexible et pluriannuel des ONG locales et nationales (ONGL/N) et l’investissement en faveur de partenariats équitables.
• Développer des modèles de financement diversifiés, innovants et durables qui intègrent la mobilisation des ressources locales (diaspora, communautés religieuses, secteur privé) et le financement du développement, en réduisant la dépendance envers les sources de financement uniques.
• Renforcer la complémentarité entre les acteurs, plutôt que de renforcer les hiérarchies, lorsque des partenariats directs sont possibles, et garantir le recouvrement intégral des coûts pour les acteurs locaux. L’A4EP affirme que l’aversion au risque des intermédiaires renforce souvent les hiérarchies et contribue au sous-financement chronique des organisations locales.

Dans ce contexte, les partenariats équitables sont des éléments essentiels du changement. Des initiatives telles que LOCALliance incarnent ce que ce nouveau paradigme peut être. LOCALliance est un consortium de cinq réseaux nationaux d’ONG : CCONAT (République démocratique du Congo), le National Humanitarian Network (Pakistan), la Localization Initiative (Yémen), Coordination SUD (France) et VENRO (Allemagne). Ensemble, ces réseaux travaillent à définir un mode d’action humanitaire plus durable, plus local et plus inclusif dans leurs contextes respectifs.

Ce modèle démontre qu’une coopération effective peut être fondée sur la confiance mutuelle, l’apprentissage partagé et le partage des capacités collectives. En facilitant les échanges entre pairs, en alignant les efforts de plaidoyer et en élaborant conjointement des stratégies, le consortium montre comment les organisations des pays à revenus intermédiaires et faibles et des pays à hauts revenus peuvent collaborer sur la base d’une compréhension commune du partenariat. À l’heure où les systèmes humanitaires traditionnels sont remis en question, ce type de partenariat montre une autre façon d’avancer, qui reflète les engagements du Grand Bargain, place les acteurs locaux à la tête de la prise de décision et conduit à un changement systémique.

Repenser le système : Questions clés pour un nouveau modèle humanitaire

Pour y parvenir, nous devons repenser le système humanitaire en ayant en tête des considérations clés :

• Quel type de coordination un nouveau système nécessitera-t-il ?
  • Des mécanismes pilotés et dirigés localement, soutenus par d’autres acteurs humanitaires, fondés sur la confiance et la collaboration à long terme.
  • Des partenariats stratégiques dépassant la logique bailleur-bénéficiaire, y compris des échanges Sud-Sud et Sud-Nord.
  • L’inclusion des gouvernements locaux et nationaux dans les mécanismes de coordination, dans la mesure du possible.
• Qu’attendons-nous des acteurs humanitaires internationaux ?
  • Une action résolue pour intégrer de manière cohérente des structures de gouvernance locales dans le système humanitaire.
  • Un engagement réel à soutenir à long terme la gouvernance locale ;
  • Des preuves concrètes d’une localisation effective dans la pratique en passant des engagements aux actes.
  • Une diligence (évaluation) harmonisée et simplifiée et un système de passeporting transparent qui respecte les résultats de l’évaluation d’autres bailleurs/intermédiaires.
  • Un accès accru à un financement direct, flexible, pluriannuel et de qualité pour les ONG nationales, intégrant les coûts indirects pour garantir les fonctions nécessaires au fonctionnement, à la supervision et à la gestion de l’organisation dans son ensemble, le recouvrement intégral des coûts et les besoins de renforcement des capacités des ONG nationales.
  • Concevoir des partenariats fondés sur un cadre plus mutuel et axé sur la valeur ajoutée des partenaires.
• Comment mobiliser des ressources alternatives ?
  • En assurant la soutenabilité financière et en réduisant la dépendance à l’égard des bailleurs de fonds traditionnels.
  • En coopérant avec les réseaux de la diaspora, le secteur privé local, les fondations philanthropiques et les organisations confessionnelles.
  • En soutenant les fonds communs gérés au niveau local et communautaire, avec des sources de financement diversifiées.
• Enfin, comment les ONG des pays à revenus intermédiaires et faibles et des pays à hauts revenus peuvent-elles collaborer plus efficacement ?
  • Par des partenariats équitables – comme LOCALliance – fondés sur le dialogue, le partage de responsabilités et une vision collective.
  • Les acteurs humanitaires internationaux doivent réfléchir à leur propre rôle futur et modifier leurs structures et leurs méthodes de travail en conséquence.

Nous vivons une période de bouleversements et d’opportunités. En misant sur la diplomatie civique, en renforçant le leadership local et en favorisant des partenariats justes et équitables, nous pouvons faire plus que nous adapter au changement : nous pouvons activement façonner l’avenir de l’action humanitaire.