le 18/09/2008 par Coordination SUD

Echanges commerciaux : pour une régulation au service du développement

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XII ème Conférence des Nations-Unies pour le Commerce et le Développement Accra, Ghana, Avril 2008

Les organisations de solidarité internationale membres de Coordination SUD saluent le rôle joué par la CNUCED d’accompagnement des décideurs dans la réflexion et la prise de décision concernant le lien nécessaire entre commerce et développement. Depuis sa création en 1964, la CNUCED a su démontrer sa capacité d’analyse et sa pertinence sur les questions de politique commerciale, d’intégration régionale, de renforcement des capacités productives, de régulation des filières des produits de base, du changement climatique et de l’environnement, ainsi que de l’aide au commerce.

La CNUCED doit néanmoins encore être renforcée dans son action pour promouvoir un processus de mondialisation plus solidaire et favorable aux populations les plus défavorisées et vulnérables, en conciliant logiques économiques et droits économiques, sociaux et culturels (DESC) des populations énoncés dans le Pacte de 1966. Ses propositions de régulation des échanges mondiaux et d’une meilleure cohérence entre les différentes politiques (commerciales, agricoles,…) œuvrent à la mise en place d’une stratégie plus mesurée et cohérente pour veiller à ce que les bienfaits de la mondialisation soient plus largement partagés. Nos organisations se prononcent par ailleurs pour donner la primauté aux DESC par rapport aux règles commerciales internationales, et au système des Nations-Unies par rapport aux institutions de Bretton Woods.

Dans la perspective de la prochaine CNUCED XII, les OSI membres de Coordination SUD souhaitent réaffirmer un certain nombre de principes partagés avec leurs partenaires des pays en développement. La régulation des échanges commerciaux, le maintien de préférences commerciales accordées dans le cadre de l’OMC, et le soutien à l’intégration régionale sont les conditions requises pour que les PED participent à un développement économiquement viable, socialement équitable et environnementalement sain.

1- Pour se développer, les marchés régionaux doivent être protégés

  • Appui à l’intégration régionale

Nous partageons l’objectif de mise en place de zones d’intégration régionale et pensons que la priorité doit être donnée au développement des marchés régionaux. Ces zones permettront d’augmenter la taille des marchés, de réaliser des économies d’échelle et ainsi d’améliorer le niveau de vie global des populations. Les intégrations régionales doivent être construites par les Etats concernés en concertation avec leur société civile et non pas imposées à marche forcée par des négociations commerciales. Toute négociation commerciale de type bilatéral (par exemple l’UE avec les pays ACP) doit respecter les processus de construction régionale en cours.

  • Protection et respect des priorités des PED

Les accords commerciaux entre régions doivent permettre aux Etats signataires de mettre en place des dispositions pouvant permettre la désignation d’un nombre approprié de Produits Spéciaux, qu’ils souhaitent protéger en raison de leur importance pour la sécurité alimentaire, la garantie des conditions d’existence et le développement rural ; et le recours à un Mécanisme de Sauvegarde Spécial qui doit leur permettre de prendre des mesures ponctuelles de protection des marchés pour faire face à une augmentation brusque des importations ou une baisse importante des prix.

Par ailleurs, la création des marchés communs régionaux nécessite la mise en place de droits de douane commun (le tarif extérieur commun ou TEC), qui permette de protéger suffisamment les économies de la concurrence entre les importations et les productions locales.

  • Risque lié à la perte des recettes douanières

La suppression des taxes douanières sur les produits importés et dans les échanges intra-régionaux, cumulée à la baisse des tarifs douaniers découlant de l’application des TEC bas, peut réduire considérablement pour certains PED les recettes des Etats. En effet ces dernières reposent fortement sur les taxes douanières. La capacité d’investissement des pays dans des infrastructures ou dans des programmes sociaux, éducatifs ou sanitaires va s’en trouver réduite. C’est un risque de plus qui pèse sur la réussite des intégrations régionales. La libéralisation n’est aucunement un remède miracle, et l’expérience montre qu’elle peut être un facteur important de pauvreté pour certaines franges de population. Nous ne pouvons donc que recommander une mise en œuvre de la libéralisation la plus progressive et la plus longue possible afin que l’intégration régionale ait un effet d’entraînement suffisant, qui permette aux Etats de se procurer les recettes nécessaires au remplacement des taxes douanières, sans que cela remette en cause leur équilibre budgétaire.

2 – L’accès au marché seul ne suffit pas à stimuler les exportations

Le développement des exportations et des échanges commerciaux, s’il ne constitue pas l’unique voie vers le développement, contribue cependant à soutenir le développement économique des PED, et il est donc essentiel qu’ils puissent en tirer plus de profit. Cependant nous tenons à souligner que la baisse des droits de douane des pays tiers n’est pas un facteur suffisant pour que les exportations soient stimulées. L’objectif d’une augmentation des flux commerciaux ne se résume donc pas au débat sur les tarifs et protections douanières.

Pour que les exportations se développent réellement, et en faveur des plus pauvres, il est nécessaire d’appuyer les démarches de renforcement du secteur productif des PED, en particulier sur les normes sanitaires et phytosanitaires et de manière générale sur la qualité des produits. Il convient aussi de favoriser le développement des infrastructures permettant le commerce (transport et télécommunications). Dans cette démarche les petites et moyennes entreprises et les organisations de producteurs agricoles doivent être prioritairement appuyées.

3 – Le développement ne peut être réduit au seul commerce : une cohérence des politiques commerciale, de développement, agricole et environnementale est indispensable.

Si les conditions identifiées plus haut sont respectées, le développement des échanges peut stimuler le développement économique. Cependant, pour parler réellement de développement durable, encore faut-il que cela ait des conséquences positives sur les dimensions sociale et environnementale, et que les décisions soient prises dans une démarche participative.

  • Veiller à ce que les Etats conservent la maîtrise de leur développement

Il nous semble fondamental que les Etats développent des politiques redistributives et des politiques sociales ambitieuses, pour que les gains économiques ne soient pas confisqués par les franges les plus riches ou par les investisseurs étrangers, et pour que les populations les plus pauvres en bénéficient.

Il est probable que des grands marchés régionaux puissent attirer des investissements étrangers directs (IED). Face à cela, il nous semble important que les Etats des PED puissent renforcer leur capacité à réguler ces investissements et que des conditions sociales et environnementales soient négociées. Ainsi, les IED pourront-ils être des leviers pour le développement durable.

  • Garantir une aide suffisante et non conditionnelle

Stimuler l’intégration régionale et les exportations des PED nécessite que des moyens supplémentaires soient engagés. L’aide au développement et à la coopération des pays développés devrait être ajustée en conséquence (et sans préjudice d’une réduction des enveloppes consacrées aux programmes sociaux ou éducatifs et sanitaires au prétexte de renforcer l’aide au commerce). L’aide à la coopération des pays développés ne doit pas non plus devenir une monnaie d’échange pour les négociations commerciales avec les PED (par exemple être conditionnée l’ouverture de leurs marchés).

  • Veiller à la cohérence de la politique agricole commune avec les objectifs de développement des pays du Sud

L’UE s’est engagée à Hong Kong en décembre 2005 à mettre fin à ses subventions aux exportations agricoles d’ici 2013, et à l’essentiel d’ici 2008, à condition que les Etats-Unis et d’autres pays enclenchent la même dynamique. Cependant cela ne suffira pas à mettre fin au dumping, c’est-à-dire au fait d’exporter un produit à un prix inférieur à son prix de production. Les produits ayant bénéficié d’un quelconque soutien domestique (aides découplées en particulier) ne doivent pas se retrouver sur les marchés d’exportation. Il faut évaluer les soutiens en fonction de leurs conséquences sur la production d’excédents, la compétition entre agriculteurs et la préservation de l’environnement. En Europe, les outils de maîtrise de l’offre agricole doivent être préservés, et non démantelés, afin de mettre en adéquation la production et les besoins intérieurs.

  • Intégrer la dimension environnementale

Le développement des échanges régionaux participe aux émissions de gaz à effet de serre (GES), à l’heure où la Communauté internationale cherche à les réduire. Il nous semble juste que l’UE accentue ses efforts de réduction de GES afin de compenser les augmentations résultant du développement des échanges avec les ACP, et privilégie les modes de transport les moins polluants.

Positions de la Commission Agriculture et Alimentation de Coordination SUD

(élaborées par Oxfam France-Agir Ici, CCFD, CFSI, GRET, Peuples solidaires, IRAM, Fédération Artisans du Monde, Agronomes et Vétérinaires sans frontières, Secours Catholique / Caritas France)

Contact

Commission agriculture et Alimentation

CFSI

Pascal Erard
erard@cfsi.asso.fr

GRET

Arlène Alpha
alpha@gret.org

Coordination SUD

Fabrice Ferrier
ferrier@coordinationsud.org

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