La taxe sur les transactions financières (TTF) et la taxe de solidarité sur les billets d’avion
La taxe sur les transactions financières (TTF) a été pensée dans les années 1970 comme un levier de justice économique mondiale. Son objectif ? Freiner la spéculation financière tout en finançant la solidarité internationale. C’est pourquoi on la surnomme souvent « la taxe Robin des Bois » : une manière de prélever une part des richesses issues des marchés pour les réorienter vers les populations les plus vulnérables, notamment dans les pays du Sud.
En 2012, la France, comme 40 autres pays, a mis en place une taxe sur les transactions financières (TTF). Depuis sa mise en place, la TTF a généré des recettes importantes — environ 1,5 milliards d’euros par an ces dernières années. L’augmentation de son taux prévue en avril 2025 devrait porter les recettes de celle-ci à plus de 2 milliards d’euros.
Autre pilier historique du financement innovant : la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA), instaurée en 2006. Prélevée sur chaque billet d’avion au départ de la France, elle rapportait chaque année environ 200 millions d’euros et son augmentation en 2025 devrait rapporter 800 millions d’euros chaque année.
La taxe sur les transactions financières (TTF) et la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) sont donc deux symboles du financement innovant à la française. Conçues respectivement sous les présidences de Nicolas Sarkozy (2012) et Jacques Chirac (2006), ces taxes visaient à mobiliser une partie des richesses issues de la mondialisation pour financer la solidarité internationale, la santé mondiale, la lutte contre les inégalités et le climat. Longtemps, leur affectation à l’aide publique au développement (APD) a permis de financer des institutions majeures comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, Unitaid, l’IFFIm, le Fonds vert pour le climat ou encore le Partenariat mondial pour l’éducation, à travers un mécanisme dédié : le Fonds de solidarité pour le développement (FSD).
Mais cette architecture exemplaire a été brutalement remise en cause par le Projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Sous prétexte d’une interprétation restrictive de la LOLF, les recettes de la TTF et de la TSBA ne sont désormais plus affectées à la solidarité internationale, mais intégrées au budget général de l’État.
Cette décision constitue un virage inquiétant et une rupture avec un engagement transpartisan porté depuis près de 20 ans. Elle va à rebours des promesses répétées du président Emmanuel Macron, qui déclarait encore en juin 2024 :
Je veux ici dire que ce lien sera préservé envers et contre tout.
Elle trahit également les paroles fortes de ses prédécesseurs :
- Jacques Chirac, en 2005 :
Une contribution internationale de solidarité sur les billets d’avion [est destinée] au financement de la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, urgence de notre temps.
- Nicolas Sarkozy, au G20 de Paris en 2011 :
Est-ce totalement déraisonnable de dire que ceux qui ont profité de la crise doivent contribuer au développement des pays qui en ont le plus souffert ?
Face à ce recul, une initiative parlementaire a vu le jour pour rétablir ce lien historique. Le député Guillaume Gouffier Valente a déposé une proposition de loi organique visant à rétablir l’affectation d’une partie des recettes de la TTF et de la TSBA à la solidarité internationale. Cette proposition, soutenue par de nombreuses organisations de la société civile, est un acte politique fort pour réaffirmer le rôle stratégique de la France dans le financement des biens publics mondiaux.
Nous appelons à son inscription urgente à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et à son adoption.
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