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Urgence Liban : où en est la générosité ?

Publié le 03.09.2020

Quelles sont les aides financières apportées par les organisations internationales ? Comment les associations et fondations en France s'organisent pour collecter des fonds ? Quels sont les partenariats importants ou innovants mis en place ? Nous faisons le point sur les spécificités de l'Urgence Liban.

Dans la soirée du 4 août dernier, des explosions ont eu lieu dans le port de Beyrouth faisant un bilan dévastateur : plus de 180 morts, 6 500 blessés ont été recensés et  300 000 personnes ont perdu leur logement. A la suite de cette catastrophe, de nombreux gouvernements, organisations internationales et ONGs ont lancé un appel mondial à la générosité pour cette “Urgence Liban“.

générosité urgence liban beyrouth explosionRapidement, associations et fondations ont débloqué des fonds d’urgence pour venir en aide : soigner les blessés, apporter de l’aide alimentaire et des biens de première nécessité, accueillir ceux qui ont tout perdu, évaluer les besoins, installer des réserves d’eau, commencer à réhabiliter les logements et bâtiments, soulager les hôpitaux, reconstruire la capitale et toutes ses infrastructures, rechercher les disparus voire les animaux égarés de leur propriétaire,… En effet, l’ampleur de la crise est gigantesque et personne n’est épargné dans la capitale libanaise et ses banlieues.

 

Mais qu’en est-il des aides financières apportées par les ONG ? Des fonds débloqués par les gouvernements ? Cette urgence a-t-elle déclenché des mouvements de générosité ? Nous allons faire le point sur les particularités de cette crise Liban, et sur les élans de générosité déclenchés.

 

 

1. L’évaluation des besoins : un exercice difficile dans les urgences

Comme souvent dans des crises de grande ampleur, les membres nous remontent des difficultés à évaluer concrètement les besoins sur place.

Plusieurs aspects complexifient l’évaluation et le travail des ONG comme la différenciation entre les besoins datant des crises déjà présentes avant les explosions et concernant les réfugiés, l’économie locale,… Par exemple, Médecins sans Frontières international agit déjà chaque année à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros. En 2019, MSF a engagé plus de 30,9 millions d’euros sur place pour venir en aide aux populations locales et agir sur les crises et 646 employés de MSF sont présents au Liban.

30 associations et fondations membres de France générosités agissent sur cette urgence (Liste sur infodon.fr), c’est bien plus que la plupart des crises internationales. La Coordination est donc plus délicate et l’évaluation des besoins plus morcelée.

Il y a besoin aujourd’hui d’apporter “une réponse globale et une estimation commune des besoins”, comme explique Renaud Douci, directeur général de l’Alliance Urgences (Action contre la Faim, Care, Handicap International, Médecins du Monde, Plan International, Solidarités International).

UNICEF international, par exemple, a réévalué plusieurs fois les besoins nécessaires à l’organisation pour agir sur ses champs de compétences. Un objectif aujourd’hui de 46,7 millions de dollars mais là encore des évaluations supplémentaires sont en cours. En effet, cette démarche demande beaucoup de temps et un “besoin de coordination entre les acteurs présents (ONG locales et internationales, gouvernement, Nations-Unies) pour s’assurer que tous les besoins sont couverts ou au contraire qu’il n’y a pas des chevauchements“, nous explique Ann Avril, Directrice générale adjointe d’UNICEF France. Parmi les organisations ayant communiqué sur certaines évaluations de besoins, il y a par exemple l’Oeuvre d’Orient qui les estiment à 8,5 millions d’euros et Care international à 15 millions de US dollars.

 

2. Quelles sont les aides financières apportées par les organisations internationales ?

Les Nations-Unies ont lancé un appel de fonds d’un montant de 565 millions de dollars. La conférence internationale de soutien au Liban réunissant une trentaines de dirigeants a permis de collecter 252,7 millions d’euros de promesses de dons (la commission européenne avec 68 millions d’euros, la France avec 30 millions d’euros, le Qatar avec 42 millions d’euros,…) Vous pouvez retrouver les différentes participations sur l’article du Parisien en cliquant ici.

Plusieurs de nos membres ont déjà indiqué commencer les démarches pour les différents appels à projets de ces fonds. Première Urgence Internationale estime que « Sur ces 250 millions d’euros, on espère obtenir 1 million. Grâce à cette somme, on pourrait agir sur six ou sept thèmes différents pendant six mois. » (Source : Le Parisien).

Sur ce type de crise, c’est d’abord la générosité privée ou les fonds d’urgence des organisations qui permettent de financer leurs interventions sur place rapidement. Les fonds des bailleurs publics arrivent dans un second temps assortis de procédures complexes et de montants parfois inférieurs à ceux déclenchés par la générosité du public. Par exemple, 300 000 euros ont été débloqués immédiatement du fonds d’urgence du Secours Populaire pour intervenir et financer les missions sociales avec leurs équipes sur place. D’autres fonds d’urgence ont également été utilisés par des organisations peu présentes sur ce type de crise internationale comme la Fondation Hôpitaux de Paris – Hôpitaux de France et son aide exceptionnelle de 500 000 euros pour l’hôpital sur place : L’hôtel Dieu de Beyrouth.

 

La plupart des soutiens de l’Etat Français seront redistribués aux ONG françaises ou libanaises et gérés par l’AFD comme l’explique Olivier Ray directeur de l’AFD au Liban. (En savoir plus ici) Certains fonds collectés par des fondations redistributrices en France vont aussi transiter par l’AFD. 5 millions d’euros ont été débloqués pour intervenir immédiatement par l’AFD. 15 millions seront reversés dans une seconde phase en “rechargeant les programmes existants et permettre aux ONG partenaires de mettre en œuvre de nouveaux projets”. En 2021, de nouvelles estimations seront faites et de nouveaux projets sur le long terme seront mis en place par l’AFD et les associations et fondations partenaires.

D’autres organismes publics se sont également manifestés lors de cette crise, comme Bordeaux Métropole qui a donné 50 000 euros à Médecins sans Frontières et la Ville de Boulogne Billancourt avec un euro par habitant, soit 120 000 € à UNICEF France. Le contexte montre en effet un engagement inédit de certaines entités et la diversification des bailleurs publics.

 

3. Particularités dans le fundraising de cette “Urgence Liban” :

La générosité privée, celle du grand public, permet d’avoir les fonds d’urgence pour ensuite agir lors d’une crise. Elle est donc essentielle aux organisations d’intérêt général et doit être incitée, que ce soit fiscalement ou par des opérations spéciales. L’AFD a mis en place un programme d’abondement des dons réalisés à la Fondation de France, dans la limite de 1 million d’euros. Ainsi, les fonds collectés ont été doublés et l’impact perçu également, ce qui a permis de dépasser rapidement les objectifs de collecte.

La perception de l’impact des dons et de l’action des organisations est cruciale dans ce type de crise. L’émotion, comme dans d’autres crises (ex. Notre Dame°, suscite de forts élans de générosité. Elle est transmise à la fois par le traitement médiatique de l’urgence mais également par la communication mise en place par l’organisation. Plus une organisation communique rapidement et efficacement, plus elle recevra des dons de la part du grand public. Une réalité pas très simple, surtout en période de vacances… Jérôme Dartiguenave, directeur financier de l’Oeuvre d’Orient nous explique observer cependant une forte réactivité du public malgré la période de vacances. Réactivité due à l’émotion certes mais également à l’“attachement fort des français au Liban” selon Malika Tabti, directrice de la communication et de la collecte au Secours Populaire.

Cependant une question reste sur le traitement médiatique : En tant qu’organisation d’intérêt général, comment profiter de cette urgence médiatique pour sa collecte de fonds tout en arrivant à être pédagogue envers les donateurs pour pouvoir agir sur le long terme ?

Comment traiter d’un sujet d’urgence sur une crise qui ne relève pas que de l’urgence humanitaire, mais une crise qui est bien présente au long terme ?

Sur ce sujet, cette crise a également démontré une grande solidarité de la part des médias. Certaines organisations n’avaient pas bénéficié d’une telle diffusion gracieuse et d’une aussi grande visibilité depuis longtemps. Les régies, comme un grand nombre d’entreprises ont su démontrer leur soutien par des dons en nature, mais également par la mise en place de contrats cadres pour agir sur le terrain.

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De nombreuses collectes sont également apparues sur les réseaux sociaux, à l’initiative de particuliers ou d’associations. Vous pouvez voir l’ampleur et le nombre de ces collectes sur le moteur de recherche de Facebook : Fundraisers. Là aussi, Facebook a également doublé les dons à hauteur de 1 million de dollars auprès de Medical Corps en invitant également ses utilisateurs à y participer.

Au delà de ces aspects, nous pouvons voir l’émergence de plusieurs techniques de fundraising lors de cette crise, que ce soit la mobilisation des collectivités ou encore des partenariats pour des dons en nature sur la mission sociale en elle-même (dons de masques, vaccins, médicaments, frêt maritime…), comme nous indique Ann Avril d’UNICEF France.

Vincent Bodin, responsable marketing et grands comptes à La Fondation de France nous précise également le développement des participations des fondations abritées dans la collecte pour le Liban. Une autre typologie de fundraising dans ce type de crise qui permet de développer encore plus les fonds collectés.

Enfin, peut-on observer certaines tendances dans l’utilisation des canaux de dons de cette crise ?

La plupart de nos membres constatent suite au contexte 2020 de la Covid-19, le développement du numérique dans les outils de fundraising et de communication. Cette tendance à l’utilisation du digital pour donner, bien qu’elle soit plus importante que les précédentes crises internationales, a diminué depuis l’augmentation exceptionnelle constaté dans les premiers mois de la crise Covid-19.

Wendy Pierre, chargée des urgences à Première Urgence Internationale, constate le développement important de la place des fondations dans la redistribution et le déblocage de fonds d’urgence. Ces acteurs interviennent plus qu’avant et avec une forte rapidité dans le transfert de fonds. En effet, certaines fondations, redistributrices ou pas, ont rapidement réagi et transmis des fonds aux ONGs françaises présentes sur place, bien plus vite que les bailleurs privés classiques et encore plus que les bailleurs publics. Les fondations deviennent-elles les acteurs majeurs dans la réponse à l’urgence ? A suivre…

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Les 30 organisations membres de France générosités qui agissent sur l’Urgence Liban sont référencées : “Urgence Liban – à qui faire un don pour les libanais ?

Toutes nos études sur les collectes de fonds en situation d’urgence et de crise sont disponibles sur notre “Centre de ressources“.

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